Le lac de Grand-Lieu est un espace naturel exceptionnel, à la biodiversité aussi riche que menacée. La bonne nouvelle, c’est qu’un grand nombre d’acteurs et d’actrices agissent et contribuent à sa préservation : nous avons décidé de les mettre en lumière ! Aujourd’hui, rencontre avec Alexandrine Pannard : enseignante-chercheuse spécialiste du phytoplancton, Alexandrine est l’un des anges gardiens du lac de Grand-Lieu, rien que ça !
Bonjour Alexandrine ! Pouvez-vous nous en dire plus sur vos travaux de recherche ?
Bonjour Audrey ! Je suis enseignante-chercheuse à l’université de Rennes 1 et j’enseigne l’écologie aquatique aux étudiants de la licence au master.
Mes travaux de recherche portent sur le fonctionnement des plans d’eau (lacs, étangs) et sur la diversité du phytoplancton (plancton végétal), c’est-à-dire sa composition en espèces. Avec sa taille de quelques dizaines de microns* seulement, le phytoplancton contrôle le fonctionnement écologique des plans d’eau, tel que le lac de Grand-Lieu.
Le phytoplancton a plusieurs caractéristiques : il fait de la photosynthèse**, il absorbe les nutriments (azote et phosphore) et il est le premier maillon de la chaine alimentaire. Le phytoplancton est l’un des groupes les plus diversifiés en espèces : sa composition permet de connaître et suivre la qualité de l’eau. De plus, la croissance rapide de ces organismes les rend très réactifs au changement climatique, ce sont donc de bons indicateurs de l’évolution de ce phénomène.
*1 micron = 1 millième de millimètre : petit mais costaud, ce phytoplancton !
** La photosynthèse, un lointain souvenir du lycée ? On vous rafraîchit la mémoire : c’est le processus qui permet à un organisme d’utiliser la lumière solaire pour fabriquer de la matière organique. Ici, le phytoplancton utilise de l’eau (H2O), du dioxyde de carbone (CO2) et la lumière du soleil pour fabriquer les sucres dont il a besoin et produire de l’oxygène (O2).
Le phytoplancton, c’est une passion ?!
[Rires] Presque ! J’ai toujours été attirée par les plans d’eau et les rivières, j’étais aquariophile, étant jeune : je reproduisais des poissons, je ramassais des petites bêtes dans les mares, je collectais des pontes de moustiques… La passion de l’enfance, ça fait peut-être un peu cliché mais c’est la réalité : j’avais de gros soucis de santé et cela m’a vraiment soutenue. C’était mon échappatoire !
C’est au cours de mes études à l’université de Rennes que j’ai réalisé un stage sur le phytoplancton : je ne connaissais pas du tout et j’ai trouvé cela passionnant ! Au microscope, ça bouge, je trouve les espèces vraiment belles et leur diversité est telle que cela m’a plu ! Il existe des espèces mi animales, mi végétales : elles font de la photosynthèse, comme les plantes, mais peuvent aussi manger les copains ! Ce sont des espèces mixotrophes.
C’est donc naturellement que j’ai poursuivi mes études sur le phytoplancton. Ce que j’apprécie également, c’est la surprise que réserve chaque plan d’eau lorsque je le regarde au microscope : les groupes dominants sont assez prévisibles, mais il y a souvent des espèces rares inattendues. C’est aussi un challenge de les identifier, car il existe des milliers d’espèces différentes !
Pourquoi vous intéressez-vous aux plans d’eau comme le lac de Grand-Lieu ?
J’ai débuté mes recherches sur le lac de Grand-Lieu en 2018***. Le phytoplancton, c’est la base de l’écosystème**** du lac : c’est en l’observant que je peux essayer de comprendre comment cet écosystème fonctionne. Je me sens privilégiée d’échantillonner un lac comme celui de Grand-Lieu : c’est un endroit magnifique et son plancton l’est tout autant !
Le lac de Grand-Lieu, comme beaucoup d’écosystèmes aquatiques, souffre d’eutrophisation : l’apport excessif en nitrates (azote) et phosphates (phosphore) dans l’eau, dû à plusieurs décennies d’activités humaines (intensification de l’agriculture et urbanisation), favorise la prolifération du phytoplancton qui colore l’eau. Lorsque le phytoplancton meurt, sa dégradation par des bactéries entraine la consommation de tout l’oxygène de l’eau. Parmi le phytoplancton, on retrouve principalement des cyanobactéries qui sont à l’origine de la coloration verte de l’eau en été. Ces cyanobactéries, responsables du manque d’oxygène dans l’eau, produisent également des toxines dangereuses pour les animaux.
Malgré un « état dégradé » de l’eau, le lac de Grand-Lieu montre une très grande diversité planctonique, qui en fait un réservoir de biodiversité. Cette diversité est-elle due à la grande taille du lac ? À la diversité de ses habitats (roselière boisée, herbier flottant, eaux libres, prairies inondables) ? Ou aux oiseaux migrateurs apportant avec eux le phytoplancton d’autres plans d’eau ?
Autant de questions passionnantes auxquelles Alexandrine Pannard va tenter de répondre lors de ses recherches sur le lac ! Merci Alexandrine !
*** Projet de recherche financé par l’Agence de l’eau Loire-Bretagne et par l’Union européenne. L’Europe s’engage sur le Bassin de la Loire avec le Fonds Européen de Développement Régional.
**** Écosystème : système formé par un environnement (biotope) et par l’ensemble des espèces (biocénose) qui y vivent, s’y nourrissent et s’y reproduisent. (source : Larousse)