Au fil des saisons, le lac de Grand-Lieu change de visage. En effet, sa surface passe de 23 km² en été à 63 en hiver ! Espaces d’accueil pour une biodiversité exceptionnelle, des paysages variés se dessinent et évoluent, faisant face à certaines menaces. Prairies humides, roselières boisées, herbiers flottants et eaux libres : découvrons les 4 milieux naturels caractéristiques du lac de Grand-Lieu !
Les prairies humides et pré-marais
L'un des milieux naturels essentiels pour la faune du lac de Grand-Lieu en hiver
Les prairies humides se situent sur le pourtour du lac de Grand-Lieu. Elles encadrent les autres milieux et sont alternativement à l’air libre ou sous l’eau.
Leur superficie est de 16 km2. Durant 4 à 7 mois chaque année, de l’automne au printemps, l’eau du lac inonde ces prairies, parfois jusqu’à 1,50 m de profondeur. Il en résulte une végétation rase, favorable à l’alimentation de certains oiseaux (canards, foulques et hérons) et à la ponte des poissons (brochets, carpes et bouvières) à la fin de l’hiver.

L’été, entre pâturage et fauche
Sur les prairies humides à l’ouest du lac de Grand-Lieu, ou pré-marais, l’agriculture est pratiquée de manière extensive. Les prairies humides naturelles sont exploitées pour un tiers par le pâturage et deux tiers pour la fauche. Une quinzaine d’agriculteurs mettent leurs bovins à pâturer directement sur les marais, souvent à partir du mois de juin.

La fauche n’est généralement réalisée qu’à partir de juillet. Les zones fauchées et pâturées présentent une flore beaucoup plus diversifiée (agrostis, Scirpe des marais, Véronique à écus, etc.), tandis que les secteurs non fauchés sont très favorables aux oiseaux.
Les prairies humides menacées par les activités humaines et les EEE
Les prairies humides sont particulièrement menacées par les apports en nutriments (azote et phosphore) provenant du bassin versant ; ainsi que par les jussies et les écrevisses de Lousiane, espèces exotiques envahissantes majeures sur le lac de Grand-Lieu.
Les jussies ont colonisé les prairies humides et mettent en difficulté les éleveurs de bétail, car elles réduisent la biodiversité et diminuent la qualité nutritionnelle des prairies. Les écrevisses de Louisiane creusent des terriers et galeries, entrainant l’érosion des berges. De plus, leur présence attire de nombreux prédateurs pouvant déranger les oiseaux nichant dans les prairies.

Les roselières boisées
Un milieu favorable à une grande diversité végétale
Les roselières boisées forment une mosaïque végétale d’environ 16 km2. Elles ceinturent le cœur du lac de Grand-Lieu, le rendant très difficile d’accès. Généralement inondée les deux tiers de l’année, cette zone est composée essentiellement de roseaux communs, de saules roux et de saules fragiles.
À l’ouest de la zone centrale, les saules font place aux aulnes. Cette aulnaie mêlée de roseaux forme des roselières boisées flottantes, ou « levis », pouvant atteindre 2 km de large et présentant une grande diversité végétale. Elles sont faiblement enracinées et reposent sur une litière tourbeuse mêlée aux racines de plantes herbacées ou ligneuses. Les vagues créent une importante érosion sur les bords de l’aulnaie, qui est aussi envahie par des espèces exotiques envahissantes.


Sur les secteurs les plus tourbeux, les fourrés sont également composés du Piment royal, un arbuste plutôt rare dans la région. On y trouve également des espèces herbacées, telles que la Baldingère faux-roseau, la Grande glycérie ou de grandes touffes de carex.
Cette grande diversité de plantes qui composent les roselières boisées résulte de substrats différents : tourbeux, vaseux, sableux ou argileux.
Un habitat naturel essentiel pour les oiseaux
Les roselières constituent une halte migratoire pour beaucoup de passereaux insectivores. Locustelle luscinioïde, Gorgebleue à miroir, Phragmite des joncs ou Phragmite aquatique profitent ainsi de la ressource locale. Ils reconstituent leurs réserves énergétiques afin de poursuivre leur route vers le sud.
Près de 2500 couples de grands échassiers occupent annuellement les roselières boisées du lac. De multiples petits groupes de nids se répartissent ainsi sur près de 10 km² de saulaies inondées. Le caractère instable et mouvant de la roselière boisée la rend très difficile d’accès et lui garantit une grande tranquillité.

Un milieu naturel en régression
Depuis 2020 environ, les roseaux communs présentent des mortalités locales, une croissance tardive ou une densité faible. Les causes supposées de cette régression ? La prédation par les ragondins, la dégradation de la qualité de l’eau, la gestion artificialisée des niveaux d’eau et un possible vieillissement de la population de roseaux du lac de Grand-Lieu.
Les roselières laissent alors place à des vasières qui sont colonisées progressivement par une végétation basse : renoncules, liserons et jussies.
Les eaux libres
Un milieu naturel menacé par l’eutrophisation
Les eaux libres de la zone centrale du lac et des canaux, appelées localement le « large », se caractérisent par l’absence de végétaux en surface. Située sur une large couche de vase, la hauteur d’eau représente en moyenne 70 cm en été contre 2 m en hiver. Ce plan d’eau de près de 8 km² tend à s’agrandir au détriment des herbiers flottants.
Parmi les 4 milieux naturels du lac de Grand-Lieu, les eaux libres ne sont pas l’espace le moins menacé. Les plantes aquatiques, autrefois largement répandues dans cette zone, ont quasiment disparu, notamment à cause de l’eutrophisation et la turbidité de l’eau.

En effet, les activités humaines – notamment l’intensification de l’agriculture et l’urbanisation – sont à l’origine d’un apport excessif en nitrates et phosphates dans l’eau. Cela favorise alors la prolifération du phytoplancton, qui colore l’eau. Ainsi privées de la lumière du soleil, les plantes aquatiques ne peuvent plus faire leur photosynthèse.
Quelques stations de potamots persistent sur des secteurs plutôt sableux avec un envasement modéré. Témoin de la physionomie passée du lac, quelques massifs de joncs des tonneliers persistent également dans cette partie.

Le lac de Grand-Lieu, une halte essentielle pour les oiseaux migrateurs
Des dizaines de milliers de canards et de foulques viennent passer l’hiver sur les eaux libres du lac de Grand-Lieu. À la mi-janvier, les espèces dominantes sont le Canard souchet, la Sarcelle d’hiver et le Fuligule milouin. Le lac de Grand-Lieu est aujourd’hui classé parmi les cinq premiers sites français pour l’hivernage des canards et des foulques.
Les herbiers flottants
Les herbiers flottants bordent la zone centrale du lac, sous forme de tapis de feuilles de nénuphars aux tiges subaquatiques. La végétation de ce milieu est composée principalement de deux espèces de nénuphar, aux fleurs bien différentes mais aux feuilles très proches : le Nénuphar blanc et le Nénuphar jaune.


Une protection naturelle pour le lac de Grand-Lieu
Du printemps à l’automne, les herbiers flottants recouvrent 15 km² de la zone centrale du lac de Grand-Lieu. Les racines permanentes et les feuilles flottantes estivales forment une barrière physique à l’agitation des eaux par le vent.
En captant la lumière du soleil et en occupant l’espace, les herbiers flottants limitent également la hausse des températures de l’eau et la prolifération des microalgues et des cyanobactéries qui sont toxiques. Ils constituent ainsi des zones refuges pour de nombreuses espèces de poissons, insectes et oiseaux.

Lorsque les feuilles des herbiers flottants sont suffisamment denses, elles peuvent être le support d’installation du nid-radeau de la Guifette moustac. Cet oiseau migrateur de la famille des laridés (sternes, goélands, mouettes) est assez rare en France. Plus de mille couples se reproduisent à Grand-Lieu, ils représentent près du tiers de la population nationale.
Un milieu naturel menacé
Les feuilles de la végétation aquatique des herbiers flottants disparaissent complètement en hiver. Les racines, elles, restent présentes sous l’eau et s’enfoncent dans la vase.
Les herbiers sont fortement soumis aux variations des niveaux d’eau du lac de Grand-Lieu : enracinés, ils ne supportent pas une trop grande quantité d’eau. À l’image des 3 autres milieux naturels qui composent le lac de Grand-Lieu, ils sont également menacés par la qualité de l’eau qui se dégrade, ainsi que par le ragondin, espèce exotique envahissante majeure du lac de Grand-Lieu. C’est l’un de ses principaux prédateurs, avec l’écrevisse de Louisiane.

La Châtaigne d’eau – aussi appelée « mâcre » – était la plante aquatique aux feuilles flottantes la plus abondante jusqu’au milieu des années 1980. Depuis 50 ans et avec la régression de la végétation aquatique, la zone centrale du lac s’est considérablement ouverte. Elle a quasiment disparu à cause de la pollution de l’eau et probablement de la compétition avec les nénuphars.
Références
Gilier JM & Reeber S (2018) Plan de gestion Réserve naturelle nationale du Lac de Grand-Lieu 2018-2027. SNPN 345p